Le pinceau-livre

Le pinceau-livre

Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas commenté de livre, non pas que j'aie arrêté de lire, mais plutôt en état de paresse aggravée!

Et puis, il  y a eu ce livre, que je n'ai pas pu lâcher ou , pour dire vrai, que j'ai essayé de me distiller , de crainte de le terminer trop vite.

Ce roman, écrit par un amoureux de la montagne, parlera à tout ceux qui ont eu (et pleuré) un chien , ou en ont un, ou bien  encore envisagent d'en adopter un. Et pour ceux qui n'en ont pas , une envie de partager quelques années avec cet animal!

Ici, pas de grande théorie, mais des interrogations, pour respecter l'animal, pour savoir l'accompagner, pour être accompagné! Pas d'anthropomorphisme , ou si peu!

Cet amour partagé,  ce compagnonage sont vivifiants.

Bien sûr, on sait dès le départ qu'il y a aura l'ultime, la douleur, mais on devine qu'il faudra en passer parlà , puisque le temps des chiens n'est pas le nôtre.

Je vous conseille vivement de suivre Cédric et Ubac, et puis l'arrivée de Mathilde et d'autres chiens aussi.

Ce livre est une leçon de vie, d'amour infini,de savoir capturer l'instant, de vivre complètement au présent, comme le chien! Dans un style très littéraire, mais aussi chaleureux, Cédric Sapin-Defour nous livre un concentré de bonheur....

La préface de Jean-Paul Dubois est aussi une merveille.

 

Extraits : 

 

De l aimer me suffit. Car vois tu, je ne serai jamais s il m aime, jamais. Et aimer sans certitude de l être en retour...je me demande si l on ne tient pas ici la définition de l amour véritable

 

Ils aiment leur chien pour ce qu il est, un être vivant si proche et si détaché d eux mêmes et dont ils n attendent aucune flatterie que la célébration sans mise en scène d être ensemble.

 

Certaines minutes, je t'oublierai. Non, ce n'est pas l'oubli dont on parle, ce n'est pas en lui qu'on puise les forces de poursuivre, mais avec élégance et sans porte qui claque, tu t'absenteras de mes pensées. Quelques secondes lors des premières disparitions, avec pour béquilles le mouvement, la foule, la clarté ou des palabres. Puis des heures et des nuits même en ne rien faisant, même au silence. Et ces pensées, tu les regagneras avec douceur ou tu ressurgiras avec violence selon l'humeur des jours.

Mais il y aura de nets reculs. (...) ça arrivera dans un lieu si nouveau et si beau mais tellement sans toi, on ne sait pas. Puis elles se calmeront. Et elle s'espaceront. Au point de craindre leur disparition. Qui n'a jamais éprouvé l'angoisse que l'absence s'absente ?

 

 

« Ubac est là dans la cuisine, je pourrais croire qu’il m’attend. Le regardant discrètement par la fenêtre, je peine à croire que nous allons repartir ensemble. C’est lui, c’est sûr, les changelins ne sont pas de ce conte, je reconnais sa petite lice et cette façon de se déplacer, mi-gauche mi-féline, il chaloupe. Il est beau. Incroyablement beau. Je l’observe rencontrer la vie ; sa truffe plaquée au carrelage, il y a tous les dix pas une nouvelle galaxie à explorer : un pied de table, un sac de pommes, deux bûches de bois, une pantoufle, un autre pied, le même sac de pommes. Aucun trésor ne vaut plus que le suivant, l’idée est d’amonceler. A chaque bruit, il s’arrête et veut savoir, mesure-t-il tout ce qu’il y a à apprendre ? Il y a ces instants, si rares, souvent jamais, quand la vie vous dépose exactement où il le faut. Tout s’accorde, de la lumière aux sons des mots, des choses humaines aux perspectives. Comme si, malgré ce qui ressemblait jusqu’alors au hasard, aux dérives et à un statut de spectateur, tout avait été mis en place pour vous offrir cette scène et ce rôle qu’il s’agit d’endosser avec force. Mme Château m’a épargné le tableau des séparations, à la fratrie, à la mère, là dans la cuisine c’est comme si Ubac venait de nulle part. Peut-être ont-ils pleuré, peut-être a-t-il hurlé d’effroi ? C’est inhumain d’arracher un être à sa famille, les hommes entre eux, par la morale et la loi, sont condamnés pour cela. Les bêtes, elles, ne ressentent rien. C’est assez commode de jurer à leurs absences, on résout là bien de nos tourments. L’homme, après tout, fait ce qu’il veut de la sauvagerie ; quand ça l’arrange, il l’érige en modèle suprême, implacablement juste, d’autres fois, il se pince le nez face à tant d’une vie sans cœurs. »

 



02/11/2023
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