Le pinceau-livre

Le pinceau-livre

Au pays des vermeilles de Noëlle Chatelet

L'auteur a confié au "Figaro":
             

« Je pense que les grands-parents et les petits-enfants ont quelque chose à se révéler d’eux-mêmes. Cette petite fille m’a fait revivre de façon incroyable mes tout premiers mois. Elle m’a permis de descendre en moi (...), de me faire « regrandir en enfance ».
Le statut de grand-mère vous autorise à vivre cette régression narcissique. Alors qu’une maman doit rester bien droite, dans un souci éducatif…, nous, les grand-mères, nous pouvons marcher à quatre pattes, sucer notre pouce pour les faire rire ! ».

J'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai dégusté à petites touches, deux pages par deux pages, pour mieux réfléchir à ce qui est dit...
J'espérais secrètement avoir le même privilège que Noëlle Châtelet et retrouver la part d'enfance que j'ai oubliée... mais le voile ne s'est pas déchiré et de grands pans de ma vie de petite fille resteront donc dans l'ombre.
Pourtant, ce livre m'a permis justement  de renoncer à cette quête, de me dire que ce qui compte c'est d'être soi-même une partie de la transmission, elle le dit si joliment, nous sommes des pierres qui ricochent et portent un peu plus loin et d'une façon pérenne la transmission transgénérationnelle... Se le dire apporte la paix et fait faire un grand pas en avant....

« Je suis grand-mère,   pour admirer le ricochet de ces petites pierres vermeilles sur l’étendue de la mémoire. Les regarder bondir. Rebondir. Je me dis : Un jour , les ricochets se feront sans moi, mais la pierre que j’ai été sera de la partie »


et voici le début du livre:

Tu me regardes.

Jusqu'ici, tu me voyais. J'étais un élément, une présence parmi d'autres du décor de ta vie.

Mais voilà que tes yeux se posent sur les miens autrement.

Ce matin, surprise : tu me regardes. Cette fois tes yeux me considèrent. Ils me semblent mesurer le poids de mes propres yeux, posés sur les tiens, avec la même application, la même persistance.

Il ne s'agit pas encore, sans doute, d'un véritable échange, plutôt d'une disposition commune et simultanée. Une coïncidence. Nous partageons ce mouvement du corps qu'on appelle regard, unies dans la contemplation de l'autre, et c'est la première fois.

Je suis seule à savoir que je suis ta grand-mère et toi ma petite-fille. D'en être sûre m'emplit d'un ravissement que tu ne mesures pas encore.

Envie pressante de t'y associer au plus tôt.

Nous avons chacune notre place.

Je me dis : Je suis la mère de ton père et toi l'enfant de l'enfant, mais toi et moi ignorons encore comment nous l'occuperons, cette place, jusqu'à quel degré de connivence et d'invention. Car il nous faudra l'inventer, comme des milliards et des milliards d'humains qui avant nous l'ont vécue, la vivent, la vivront, cette posture universelle et cependant unique de notre relation. Faire de ce lien quelque chose de différent. S'employer à le rendre singulier. Je souris à cette idée. Joie contenue. Et toujours sur mes yeux tes yeux arrêtés, grands ouverts, comme s'ils suivaient secrètement ma pensée, mais en réalité, bien sûr, occupés ailleurs.

Ailleurs... Où donc ? A quoi ?

Envie pressante d'y être associée, au plus tôt, à cet ailleurs.

Allons. Surtout pas d'impatience. Prendre le temps, au contraire. Non. Ne pas le « prendre », justement. Le laisser libre, le temps. Je me dis : Ne le bouscule pas à vouloir le hâter ou le ralentir. Laisse-le te porter.




03/04/2010
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