Le pinceau-livre

Écrit par Atiq Rahimi, prix Goncourt pour un autre livre (Syngué sabour), ce petit livre ne laisse pas indifférent.
L'écriture est lancinante, hachée; les phrases courtes,parfois répétitives, les hallucinations du "héros", les évocations des légendes afghanes, les rêves et l'horrible réalité sont entremêlés et nous font bien ressentir le désordre dans la tête du personnage principal. Il a assisté au bombardement de son village, il a perdu presque tous les siens et doit aller annoncer la nouvelle à son fils...
La question est de savoir comment survivre , comment vivre , comment avancer quand on a presque tout perdu.....
Je penserai encore longtemps à cette terrible histoire et à cette leçon de vie.....

Un extrait :
"L'homme marque un arrêt, glisse une cigarette au coin des lèvres et l'allume. Il se remet à parler sereinement.
- Tu sais, père, la douleur, soit elle arrive à fondre et à s'écouler par les yeux, soit elle devient tranchante comme une lame et jaillit de la bouche, soit elle se transforme en bombe à l'intérieur, une bombe qui explose un beau jour et qui te fait exploser... Le chagrin de Fateh le gardien, c'est un peu des trois à la fois. Quand il vient me voir, son chagrin s'écoule dans ses larmes mais, dès qu'il est seul dans sa baraque, il se transforme en bombe... Quand il sort et voit les autres gens, son chagrin devient lame, il a envie de....
Tu n'entends plus la suite; Tu te perds au fond de toi, là où se tapit ta détresse. Et ton chagrin à toi ? S'est-il transformé en larmes ? Non, sinon tu pleurerais. En poignard ? Non plus. Tu n'as encore blessé personne. En bombe ? Tu es toujours en vie. Tu es incapable de décrire ton chagrin : il n'a pas encore pris forme. C'est encore trop tôt. Si seulement il pouvait se dissiper avant même de prendre forme, disparaître... Il va disparaître, ça ne fait aucun doute, oui... A l'instant même où tu verras Mourad ton fils... Mourad, où est-tu donc ?"