Le pinceau-livre

Le pinceau-livre

Mamita - Michel del Castillo

Jadis, dans mes années de lycéenne, j'avais lu "Tanguy" du même auteur et j'avais alors été bouleversée par la lecture de ce roman. Cet enfant solitaire, accrochée à une maman désinvolte et calculatrice qui l'avait abandonné à son sort, m'avait profondément émue. Il trouva alors refuge dans l'amitité. J'avais à cette époque un petit carnet noir, mon carnet de citations, sur lequel je notais les phrases ou paragraphes qui me touchaient. Tanguy y eut une belle place!

 

La lecture était mon échappatoire depuis si longtemps et encore maintenant!

 

Michel del Castillo dit : Je suis un enfant des livres, qui m'ont engendré, élevé, maintenu en vie.

 

J'ai donc acheté "Mamita" un peu par hasard, n'ayant rien lu de cet auteur depuis toutes ces années!

Et j'ai compris que pour Michel Del Castillo la quête désespérée de l'amour d'une maman serait son éternel chemin...

 

Le héros n'est plus un enfant mais un vieux pianiste virtuose, internationalement connu, qui à la faveur de deux rencontres va faire le point sur sa vie et ses tourments.

Il est à jamais prisonnier du personnage que sa mère a composé pour lui et ne s'échappe ou plutôt ne se livre que dans ses interprétations au piano. Il met dans ses travaux au piano une constance rageuse jusqu'à obtenir la perfection en jouant Chopin.

 

Michel del Castillo est français par son père, son patronyme est Janicot. Comme c'est étrange qu'il endosse ainsi le nom de sa mère, cette femme à laquelle il trouve encore des excuses malgré son geste insensé : abandonner son enfant à un destin terrible...

 

Ce livre parlera à tous les exilés, les abandonnés ou simplement ceux que l'on a oublié de regarder comme des enfants, ceux qui n'ont fait que quêter un impossible amour...

 

Résumé :


« Cette décision -livrer son fils- Xavier la considérait maintenant avec une sourde terreur. Etait-ce plus criminel que d’envoyer à la mort le père de ses enfants ? Tout, dans cette existence tissée de mensonges et de parjures, inspirait de l’épouvante. Il y avait chez cette femme qu’on pouvait croire folle une dureté, une vigilance stupéfiantes. Alors qu’elle semblait céder à ses impulsions, elle calculait froidement. Il faisait ainsi partie d’une algèbre criminelle. » 
Pianiste virtuose, Xavier s’installe à Redwoods, sa maison du Vermont, pour préparer l’enregistrement de l’œuvre de Chopin, intimement liée à son existence. Au gré de ses déplacements entre New York, le studio de Boston et les paysages américains, il fait deux rencontres essentielles, Sarah et le jeune Tim, admirateur fervent. Chacune le renvoie à son enfance dénaturée. 
Par cercles concentriques de plus en plus étroits, il s’enfonce jusqu’au trou noir de la mémoire - le désamour et la trahison de son énigmatique Mamita.

 

Extraits :


Il était sûrement fou.
Invité à déjeuner chez Lasserre par son agent, Max Devyll, il s'y rendit en taxi depuis Montmartre. Il se sentait d'humeur paisible, content de revoir celui qui, en un quart de siècle, était devenu un familier, presque un ami. Ce n'était pas la première fois non plus qu'on l'invitait dans ce restaurant. Il n'éprouvait pas la moindre appréhension. En arrivant avenue Montaigne, il régla la course, sortit de la voiture, regarda autour de lui. Il n'avait que le trottoir à franchir, fit deux, trois pas quand, tout à coup, une sensation d'oppression le submergea. Étouffant et suffocant, il resta un instant paralysé. Puis, prenant un air dégagé, il marcha en direction de l'Aima, s'efforçant de respirer calmement.
Ces bouffées de panique tombaient sur lui aux moments les plus imprévisibles. Ce n'était pas de la peur, moins encore de la timidité. Une panne, une sorte de court-circuit. Son influx nerveux s'arrêtait brusquement. Tout se brouillait dans sa tête, il ne voyait rien. Une angoisse massive le foudroyait. Il ne pensait qu'à se cacher, s'évanouir.
Toute sa vie il avait connu ces crises d'angoisse incoercibles qui, le plus souvent, le frappaient au moment où il devait affronter des regards étrangers, entrer dans un lieu public. Pourtant, il avait réussi à vivre normalement, si bien que le mot «fou» n'était sans doute pas le plus adéquat. Il contrôlait ses terreurs, parlait, plaisantait, riait même. Il supportait le poids de sa notoriété, rencontrait des journalistes, répondait à leurs questions. Avec le sourire, il serrait des mains, signait des autographes. Durant des années, il avait, surmontant sa panique, poursuivi une carrière de pianiste, donnant partout dans le monde des récitals devant des publics aussi nombreux que divers. Il s'était montré capable de mener une existence sinon normale, à tout le moins sensée.


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Depuis ma naissance, il me semble que j'ai erré de consigne en consigne, un paquet qu'on dépose, qu'on reprend, qu'on oublie parfois... Pourtant je vivais, Marc, mon imagination me faisait vivre une équipée fantastique, d'une frénétique intensité. Mes rêves étaient bien plus réels que la réalité.

 

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« Avec la même fermeté qu’il refusait de se produire en public, Chopin éludait les incitations à composer un opéra national, une grande œuvre patriotique, s’en tenant à son instrument dont il explorait avec obstination toutes les ressources. Replié sur lui-même, coupé de sa patrie, séparé de sa famille, cet émigré solitaire écrivait sur les touches blanches et noires de son Pleyel une sorte de journal intime, celui de la maladie et de la révolte face aux souffrances de son pays natal, de ses déboires sentimentaux, celui d’une nostalgie vague et indicible. »

 

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« Rejoignant Chopin dans son refus du spectacle, Xavier avait, depuis plus de dix ans, renoncé aux concerts. Il disait qu’il était impossible de produire de la musique à date et à heure fixes, devant des centaines d’auditeurs et que tout récital était en cela une imposture. Tranchés, définitifs, ses propos cachaient une timidité paralysante, une véritable phobie de l’estrade. Son rejet de la virtuosité et du brillant n’était pourtant pas éloigné de l’aversion de Chopin pour les jongleries d’un Liszt, les convulsions d’un Paganini. Il avait trop creusé la musique de Chopin pour ignorer ce que le compositeur recherchait, l’aisance parfaite, le naturel donnant l’impression de l’improvisation, la simplicité – ce maître mot dix, trente fois martelé. »



20/10/2012
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