Le pinceau-livre

Le pinceau-livre

Le principe - Jerôme Ferrari

Un bien joli cadeau que ce livre!

Le principe donc, mais quel principe?

Celui de Heisenberg!

En 1927, Heisenberg formule une propriété fondamentale (parfois aussi nommée principe d’incertitude) de la mécanique quantique qui dit qu’il est impossible de mesurer à la fois la position d’une particule EN MÊME TEMPS que sa vitesse de façon exacte. Plus l’on détermine avec précision l’un, moins on saura de chose sur l’autre. C’est ce que l’on a appelé le principe d’incertitude de Heisenberg.

 

Si vous ne comprenez pas ce n'est pas grave, puisque le livre est la biographie de Heisenberg. Ceci dit, il faut quand même s'intéresser à la physique quantique!

L'auteur interpelle Heisenberg , et décrit aussi la  vie d'un jeune aspirant philosophe de notre époque (Jérôme Ferrari?).

Le  texte est envoûtant, les phrases sont belles, c'est un plaisir de lire cet auteur.

Et bien sûr, au-delà  de toute la progression de la recherche du scientifique , se pose la question des savants qui sont restés en Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale.

Fallait-il s'exiler? Heisenberg a-t-il vraiment ralenti les travaux et les recherches sur la fission nucléaire?

La beauté et la poésie sont omniprésentes dans ce livre qui interroge subtilement sur la responsabilité du scientifique.

Je vous recommande cette lecture, pas toujours facile, mais d'une incroyable richesse dans la langue et dans les interrogations.

 

Le mot de l'éditeur (actes sud) :

Fasciné par la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976) qui, après avoir élaboré le célèbre "principe d'incertitude", jeta les bases de la mécanique quantique, un jeune aspirant-philosophe désenchanté s'efforce, à l'aube du XXIe siècle, de considérer le mal à l'œuvre dans le monde contemporain et l'incomplétude de sa propre existence à l'aune de la destinée de cet homme de sciences exceptionnel.

 

Jérôme Ferrari met en scène la rencontre obstinément compromise entre l'âme de l'homme et la mystérieuse beauté du monde.

Avec ce roman qui fait entrer en résonance les tragédies du dernier conflit mondial et une modernité rongée par les passions économiques, Jérôme Ferrari met en scène, telle une chute d’Icare toujours recommencée, la rencontre obstinément compromise entre l’âme de l’homme et la mystérieuse beauté du monde, que ne cessent de confisquer le dévoiement de la théorie en pratique et la corrosion des splendides innocences premières.

 

 

Des extraits :

 

 

Ils voulaient comprendre, regarder un instant par-dessus l'épaule de Dieu. 
La beauté de leur projet leur semblait la plus haute qu'on pût concevoir. 
Ils étaient arrivés là où le langage a ses limites, ils avaient explorer un domaine si radicalement étrange qu'on ne peut l'évoquer que par métaphores ou dans l'abstraction d'une parole mathématique qui n'est  au fond, elle aussi, qu'une métaphore. 
Ils devaient sans cesse réinventer ce que signifie "comprendre". 
Les connaissances qu'ils vénéraient ont servi à mette au point une arme si puissante qu'elle n'est plus une arme, mais une figure sacré de l'apocalypse. 
Ils en ont tous été les oracles et les esclaves. 

Il suffisait de renoncer aux questions, celles qui portaient sur une réalité physique que personne ne pouvait observer ni concevoir, il fallait oublier toutes ces histoires d'ondes et de corpuscules, d'orbites et de trajectoires, se libérer douloureusement de la nostalgie des images pour bondir d'un seul coup, par dessus l'abîme, dans le refuge des formes mathématiques, car c'est là que, depuis toujours, la raison a sa demeure - et c'est à nouveau la nuit d'été dans la cour du château de Prunn quand s'élevaient d'un violon solitaire les notes de la chaconne qui vous arrachait à votre douleur en révélant que le monde n'était pas seulement le chaos qu'il semblait être, ce grand corps disloqué, avec ses morts inutiles, ses âmes désorientées, ses vains espoirs, ses ruines, la rancœur et la colère inextinguibles, l'humiliations des diktats, et qu'il était encore possible d'avoir foi en ce que vous n'appeliez pas Dieu mais un ordre central, au sein duquel toute chose prenait sa place. Oui, vous aviez trouvé la bonne voie, la seule, c'était une certitude, et sans doute, pour un moment, vous n'avez pas douté que vous en convaincriez la communauté des physiciens.

Partir, c'est accepter que Philipp Lenard, Johannes Stark et tous les esprits malades pour lesquels la science portait les traces de ses origines raciales s'emparent des universités pour y instaurer le règne exclusif de leur délire.
Rester, c'est se condamner à des compromissions inévitables, comme celle à laquelle Planck lui-même devra consentir, un an plus tard, en faisant le salut nazi lors d'une cérémonie d'inauguration, s'y reprenant à trois fois, comme si la vieille main tremblante d'humiliation qu'il devait lever était devenue une main de fonte.


14/02/2016
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